Territoires littoraux, logements abordables et résilients : même combat

Du 9 au 13 juin 2025, la France accueille à Nice la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3), coorganisée avec le Costa Rica. Ce sommet mondial, placé sous le thème « Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan », vise à renforcer la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable n°14 (ODD 14).
Préserver l’océan, c’est préserver les équilibres vitaux de la planète et la sécurité de l’humanité tout entière. Couvrant plus de 70 % de la surface de la planète, l’océan est un régulateur climatique majeur, un pilier de la biodiversité et un moteur économique mondial. Mais il est aujourd’hui gravement menacé par le dérèglement climatique, la pollution et la surexploitation. Préserver les littoraux habités, c’est donc aussi préserver l’océan lui-même.
Cette Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) s’ouvre dans un contexte inédit. En l’espace de quelques mois, l’ouragan Beryl a dévasté la Grenade et plusieurs territoires insulaires, Otis a anéanti des quartiers entiers d’Acapulco, Freddy a ravagé Madagascar, le Mozambique et le Malawi, et le cyclone Chido a plongé Mayotte dans une situation sans précédent.
Ces événements extrêmes, d’une fréquence et d’une intensité rares, rappellent avec force que les territoires littoraux sont en première ligne face au changement climatique. Et un constat émerge : le logement est souvent le premier à céder. Habitats précaires, mal ancrés, inadaptés aux conditions climatiques… Ce sont des quartiers entiers qui disparaissent sous les vents et les vagues, laissant des dizaines de milliers de familles sans abri, sans solution durable.
Alors que la conférence de Nice met à l’honneur le rôle des villes côtières dans la protection des océans et l’adaptation au dérèglement climatique, le logement - en particulier social, abordable, durable et résilient - doit être placé au cœur de l’agenda climatique. Il doit devenir un pilier central des stratégies de résilience.
Selon le GIEC (AR6, 2022), plus de 680 millions de personnes vivent dans des zones côtières de basse altitude, un chiffre qui pourrait dépasser un milliard d’ici 2050. En France, près d’un habitant sur dix réside en commune littorale, et selon le Cerema (2024), plus de 5 000 logements seront directement menacés par l’érosion du littoral d’ici 2050.
Le Forum économique mondial a quant à lui rapporté en 2025 que la montée du niveau de la mer, causée par le changement climatique, affecte déjà environ 1 milliard de personnes à travers le monde.
Cette situation souligne l'urgence de renforcer les stratégies d'adaptation, notamment en matière de logement côtier résilient, pour protéger les populations les plus vulnérables face à l'élévation du niveau de la mer.
Face à cette réalité, l’OCDE appelle à intégrer pleinement les politiques de logement dans les stratégies d’adaptation côtière (Responding to Rising Seas, 2019). ONU-Habitat, dans Resilient Coastal Cities (2021), insiste sur l’urgence d’une approche systémique, mêlant planification urbaine, résilience climatique et inclusion sociale. Le logement doit être pensé comme une digue sociale et climatique, pas comme une simple réponse post-catastrophe.
Cela suppose de construire autrement, avec :
des logements surélevés ou sur pilotis, capables de résister aux inondations ;
des matériaux locaux, sobres et durables, adaptés à la salinité et aux vents cycloniques ;
des solutions fondées sur la nature (mangroves, zones tampons, digues végétales) intégrées au tissu urbain ;
des quartiers résilients et connectés, à échelle humaine, offrant un accès réel aux services essentiels ;
et surtout, une co-construction avec les habitants, pour assurer une appropriation et une adaptation durables.
Des exemples inspirants existent :
À Saint-Louis du Sénégal, un programme soutenu par la Banque mondiale reloge les familles exposées à l’érosion dans des logements conçus avec les communautés ;
Aux Philippines, après le typhon Haiyan, le programme Build Back Better a permis de reloger plus de 200 000 familles dans des habitats résistants et adaptés ;
À Jakarta, des quartiers côtiers associent logements sociaux sur pilotis, restauration de mangroves et digues naturelles, avec l’appui de la Banque asiatique de développement ;
À La Nouvelle-Orléans, la Make It Right Foundation a conçu, après l’ouragan Katrina, des maisons surélevées, sobres en énergie, inspirées de l’architecture locale.
Mais pour faire émerger des solutions durables, la coopération internationale doit changer d’échelle : elle doit monter en puissance tout en s’appuyant sur des financements ciblés, des cadres juridiques solides et des outils éprouvés.