Financer le développement… en passant (enfin) par le logement

Du 30 juin au 3 juillet 2025, Séville accueille la quatrième Conférence internationale des Nations unies sur le financement du développement (FFD4) placée sous le thème : « Financer la transition vers un avenir durable pour tous ». Plus de 4000 participants sont attendus dont plus de 70 chefs d’État, des ministres, des représentants d’institutions financières, de collectivités locales, de bailleurs sociaux, de la société civile et du secteur privé.
Dix ans après l’Agenda d’Addis-Abeba, cette conférence pourrait bien marquer un tournant décisif : celui d’une prise en compte réelle des causes structurelles de la pauvreté. Alors que près de 3 milliards de personnes vivent aujourd’hui sans logement digne et abordable, le logement reste paradoxalement l’un des grands absents de la coopération internationale. Et pourtant, sans toit, comment accéder à l’éducation, à la santé, à un emploi ou même exercer pleinement sa citoyenneté ? Le logement n’est pas un secteur parmi d’autres : il est un socle du développement durable, un levier d’égalité, de stabilité et de dignité. Il demeure pourtant marginal dans les cadres de l’aide publique au développement, souvent absent parfois relégué derrière la santé, l’éducation ou l’eau.
Cette marginalisation est d’autant plus problématique que la crise du logement s’aggrave, alimentée par la spéculation foncière, l’accaparement des terres, la financiarisation de l’immobilier et l’intensification des chocs climatiques.
À Séville, les discussions porteront sur plusieurs chantiers majeurs : triplement des prêts multilatéraux, fiscalité équitable, lutte contre les flux financiers illicites, réallocation des droits de tirage spéciaux (DTS) vers les investissements sociaux, et création d’un mécanisme mondial de restructuration de la dette.
Mais Séville marquera aussi un progrès dans la compréhension systémique des enjeux : sans logement sûr, pas d’accès durable à l’éducation, à la santé ou à l’emploi. Et sans cadre de vie digne, pas de résilience face aux catastrophes naturelles, ni de transition écologique juste. La conférence devrait ainsi appeler à une harmonisation des financements en faveur du climat, de la biodiversité, du logement et des infrastructures, aujourd’hui trop fragmentés.
Recommandations pour intégrer le logement dans le financement du développement
Reconnaître le logement comme pilier du développement suppose une transformation profonde des politiques publiques et de l’architecture financière internationale.
Faire du logement une priorité stratégique des institutions financières
Les institutions bilatérales et multilatérales doivent intégrer des objectifs clairs sur l’habitat dans leurs stratégies-pays, assortis d’indicateurs de suivi, d’exigences de transparence et de lignes de financement dédiées. L’accès au foncier, la planification urbaine, les droits d’usage et les capacités locales doivent être considérés comme des biens publics à financer. Une approche intégrée est essentielle articulant logement, infrastructures, transport et emploi.
Il convient d'insister sur la nécessité de dépasser la fragmentation du financement international en construisant une approche intégrée du financement du développement durable, qui relie le développement au financement climatique et environnemental ainsi qu’à la fourniture de services publics essentiels tels que l’eau, l’assainissement, la santé, l’éducation, le logement et la protection sociale .
Il est nécessaire d'appeler à des systèmes internationaux et nationaux qui reconnaissent l’importance des services publics, y compris la protection sociale et la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels tels que le droit à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, au logement et au travail décent.
Développer des instruments financiers adaptés
Il devient urgent de créer et de renforcer des mécanismes de financement à long terme à taux faible fondés sur l’épargne y compris celle des diasporas, de mobiliser le foncier public, de capter les plus-values foncières, de déployer des garanties et outils de financement à fort impact structurel.
Soutenir des modèles alternatifs et résilients
Les coopératives d’habitat, les Community Land Trusts (bail réel solidaire), les foncières solidaires et les opérateurs sociaux doivent être consolidés via des partenariats public-privé équilibrés. Ancrés dans les territoires, ces modèles offrent des solutions inclusives, durables et économiquement soutenables.
Investir dans le logement, ce n’est pas seulement répondre à un besoin fondamental, c’est créer les conditions d’un développement humain durable, d’une stabilité économique et d’une transition juste.
La Déclaration de Séville pourrait poser les fondations d’une alliance mondiale pour l’habitat : reconnaissance du logement comme une priorité en matière d’aide publique au développement, alignement des financements sur les besoins sociaux essentiels et mise en place d’indicateurs de suivi et d’évaluation.