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Nouvelle gouvernance économique et logement social : des investissements concentrés sur l’efficacité énergique et la lutte contre l’exclusion

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Virginie TOUSSAIN
Virginie TOUSSAIN Publié le 08 août 2024 à 12:52
Nouvelle gouvernance économique et logement social : des investissements concentrés sur l’efficacité énergique et la lutte contre l’exclusion

Depuis 2011, le semestre européen constitue l’outil de mise en œuvre de la gouvernance économique européenne complétée à la suite de la crise financière de 2009. 

Les objectifs du semestre européen sont multiples : coordonner les politiques économiques et budgétaires des Etats membres de l’Union européenne, la surveillance des politiques budgétaires dans le cadre de la mise en œuvre de pacte de stabilité et de croissance et l’analyse des déséquilibres macroéconomiques. Les Etats membres tiennent compte de ses analyses et recommandations dans le cadre de leurs budgets. 

L’analyse des questions de logement en général s’est d’abord concentrée sur les déséquilibres macroéconomiques, notamment au regard de l’endettement des ménages et de l’augmentation des prix de l’immobilier, qui étaient susceptibles de faire peser un risque sur la stabilité économique et la croissance de l’union européenne. Dès 2016, l’analyse se renforce et s’intéresse particulièrement à l’efficacité de la  dépense publique dans la politique du logement et du logement social. Le rapport relatif aux déséquilibres macroéconomiques de la France pointe l’inefficacité de celle mise en œuvre en la matière. Les analyses relèvent une dépense publique supérieur au reste de l’Europe avec des mauvais résultats considérant les listes d’attente pour un logement social et le système d’aide au logement. « Les dépenses de 2,3 % du PIB consacrées au logement sont réparties entre les allocations de logement visant à améliorer l'accès à la location ou à l'achat de logement et ciblant la demande de logement (qui représentent 40 % des dépenses publiques consacrées au logement, ou 0,9 % du PIB), et les subventions en faveur de l'offre de logements et de la rénovation ainsi que du secteur du logement social (1,4 %)…Malgré des dépenses supérieures à celles d'autres pays européens, la situation du marché du logement en France ne s'est pas améliorée de manière significative depuis les années 2000. L'objectif de la politique du logement en France, qui est d'assurer un logement décent à chacun en fonction de ses moyens, n'est que partiellement atteint ».

Les critiques communautaires sont sévères sur le critères d’accès au logement social et la rotation au sein du parc ainsi que sur l’efficacité de la politique de la ville. « Les critères d'accès au logement social donnent des résultats sous-optimaux. Le taux de rotation des locataires dans le secteur du logement social est faible, entre 10 et 15 ans, contre environ 3 ans dans le secteur locatif privé. La situation financière des locataires de logements sociaux n’est pas réévaluée périodiquement pour vérifier s'ils ont toujours droit à de tels logements à plus faible coût (Cour des Comptes, 2017). Comme 70 % de la population a le droit de demander un logement social, les listes d'attente sont longues (1,7 million de personnes en 2014) et seules certaines situations particulières entraînent un traitement prioritaire du dossier (Agence nationale pour l'information sur le logement). Par conséquent, l’offre de logement reste bloquée entre les mains des occupants en place et l'accès n’est pas toujours possible pour les personnes qui en ont le plus besoin »

 

L’adoption en 2017 du socle européen des droits sociaux et son intégration au semestre européen permet de compléter l’analyse économique menée. Les principes du socle, dont l’accès au logement social est reconnu au principe 19, y sont dorénavant intégrés. Un « rééquilibrage »  d’analyse s’opère dès 2018 notamment pour la France. Les rapports pointent même les réformes engagées nationalement qui conduisent à une chute de l’investissement et soulignent la nécessité de soutenir le logement social, comme le font d’ailleurs alors les fonds européens.

En 2019, le semestre européen reconnait un contexte généralisé de crise du logement et de manque de logements abordables et sociaux. Différents pays font l’objet de recommandations afin de développer l’offre de logements sociaux et de lutter contre l’exclusions. Cette crise pèse sur la croissance de l’Union européenne et sur les conditions de vie des citoyens. La France ne fait alors pas l’objet de recommandations spécifiques. Pour autant l’analyse souligne les besoins d’investissements en matière d’efficacité énergétique des bâtiments : « c’est notamment le cas dans le secteur de la rénovation des logements, qui représente une part importante du déficit total d’investissements pour le climat, dans la mesure où la plus grande partie du parc immobilier est ancien et compte 7 à 8 millions de «passoires thermiques» (soit environ 20 % du nombre total de logements) ».

La crise sanitaire de 2020 puis la guerre en Ukraine et les questions de sécurité énergétique vont redessiner les objectifs du semestre européen. Au regard de la nécessité de soutenir l’emploi et les systèmes de santé puis d’investir dans le domaine militaire tout en diminuant la dépendance des importations d’énergie et en réalisant une transition énergétique européenne, le pacte de stabilité et de croissance est mis an pause de 2020 à 2023.
Le semestre européen devient alors un outil de soutien au plan de relance européen basé sur la « Facilité et la résilience » qui est l’instrument qui permet à l’Union européenne de lever les fonds nécessaires à la reprise économique mais aussi sur l’ensemble des financements et outils financiers européens disponibles. 

Le semestre européen ne propose plus alors des recommandations par pays mais s’appuie sur les plans de reprise et de résilience nationaux et suit leur mise en œuvre. Les questions relatives au logement, son coût, le manque de logements abordables et sociaux, l’augmentation du sans abrisme, ne constituent malheureusement plus un axe central de cette analyse. 

Le programme de stabilité de la France en 2021 se concentre alors sur la rénovation thermique et la stratégie finances publiques repose alors sur la poursuite des réformes structurelles favorables à l’activité, dont celles relatives au logement, ainsi que l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. L’axe de rénovation thermique proposé dans le plan de relance français s’articule autour de Ma PrimeRenov’ et la rénovation du parc de logements sociaux.

En 2022, l’analyse rappelle les réformes du plan de reprise et de résilience notamment celles pour investir dans la rénovation énergétique des bâtiments incluant le logement social et souligne la nécessité de renforcer les efforts vers une transition écologique et équitable.

Elle porte également sur la stabilité des finances publiques et reprend la position de la Cour des Comptes relative à la possibilité de réaliser des économies et d’améliorer l’efficience de la dépense publique dans 5 domaines, dont le logement social.

Le rapport relève par ailleurs que l’accès à des logements sociaux abordables dans certaines régions pose problème, en particulier pour les ménages les plus pauvres.

En 2023, le semestre européen se concentre peu sur les questions de logement en dehors de la question de l’efficacité énergétique et des investissements nécessaires à ce sujet. L’analyse relative à la France reprend à nouveau les deux axes précédents : Ma PrimeRenov’ et la rénovation du parc de logements sociaux.

La publication le 19 juin dernier du paquet de printemps du semestre européen a lieu dans le contexte de la réforme de la gouvernance économique adoptée en avril dernier et de la réactivation du pacte de stabilité et de croissance. 

En effet, la gestion de crises laisse place à la mise en œuvre de la révision du cadre de gouvernance économique. 
Les Etats membres se sont entendus sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance qui complète le semestre européen par une analyse des réformes fiscales.

Cette réforme conservent les seuils en vigueur et les États membres doivent toujours maintenir leur déficit et leur dette publique respectivement en dessous de 3 % et de 60 % du PIB. Cependant des ajustements ont été apportés dans la procédure de déficit excessif afin de mettre en place des trajectoires d’équilibre budgétaire de 4 voire de 7 ans à condition que les Etats membres visés par cette procédure mettent en œuvre des réformes structurelles mais également des investissements permettant un retour de la croissance et alignés sur les priorités européennes . Les indicateurs pris en compte sont ceux de la dépense et non plus des déficits pour évaluer le retour à l’équilibre. Enfin, le nouveau cadre protège les dépenses nationales consacrées aux programmes cofinancés par l'UE en excluant ces dépenses du principal indicateur de surveillance budgétaire.

L’objectif affiché de cette réforme est de réduire le déficit de manière durable, progressif et réaliste, et propice à la croissance.

Afin d’intégrer ce processus de surveillance budgétaire au semestre européen les États membres sont tenus d'établir un plan budgétaire et structurel à moyen terme qui réponde aux priorités identifiées dans les recommandations par pays.

Ces plans fusionnent les programmes de stabilité et de convergence et les programmes nationaux de réforme actuels et durant toute la durée de vie de la facilité pour la reprise et la résilience, c’est-à-dire jusqu’en 2006,  ils devront tenir compte des plans nationaux pour la reprise et la résilience, afin de garantir la cohérence des politiques publiques.

Le semestre européen 2024, en plus de ses missions initiales, aboutit aujourd’hui à une convergence des politiques économiques et budgétaires et des outils de financements européens existants pour parvenir à atteindre les objectifs communs de l’Union européenne dont ses objectifs climatiques.

Les analyses et les recommandations sont à présent économiques, sociales, relatives à l’emploi, structurelles et budgétaires. 

Pour la France, les recommandations se font cette année dans le cadre d’une procédure de déficit excessif. Si la Commission européenne reconnait l’absence de déséquilibres macroéconomiques et le gain de compétitivité de la France, le pacte de stabilité et de croissance n’est lui pas respecté . Le déficit représente 5.5% du PIB en 2023 et oblige la Commission européenne à proposer au Conseil européen à ouvrir une procédure concernant les déficits excessifs fondée sur le déficit. Elle donnera également membres des orientations sur le contenu de leurs plans budgétaires et structurels à moyen terme.

Dans ce contexte, la question du logement est analysée au regard de la combinaison des différents outils et financements disponibles du semestre européen dans le rapport pays pour la France.

En matière de dette publique, le rapport reprend la nécessité d’investissements pour soutenir l’adaptation au changemetn climatique notamment dans le logement.

L’analyse du renforcement de la transition verte reprend à nouveau les outils nationaux que sont Ma PrimRenov’ et le financement de la rénovation énergétique du parc de logements sociaux dans le cadre du plan de relance et résilience et les fonds structurels à hauteur de 830 millions d’euros, qui contribuent eux à l’efficacité énergétique de 100 000 logements sociaux

La revue à mi-parcours de la politique régionale pointe la nécessité de mettre en œuvre des mesures contre la pauvreté et en faveur de l’inclusion, en portant une attention particulier aux enfants, et à l’accès au logement et la prévention des expulsions.

L’application de plan de relance et de résilience et particulièrement dans le domaine du logement est efficace et soutient la rénovation de plus de 40 000 logements sociaux. 98% des sommes disponibles dans ce cadre ont déjà été consommées.

Les engagements nationaux relatifs aux objectifs climatiques et leur traduction dans la rénovation du parc social ont donc été tenus au regard du semestre européen.

Par contre, la question de l’accès au logement et de la mise en œuvre du socle européens des droits sociaux restent problématiques. En effet, le nombre de sans-abris et l’augmentation de la demande en logements sociaux renforce les difficultés d’accès au logement, notamment pour les plus vulnérables. Le manque d’hébergements d’urgence est souligné et spécifiquement la situation des enfants. La Commission appelle à un meilleur suivi des politiques nationales mises en œuvre afin de répondre à ces besoins dont le plan logement d’abord 2 ou le revenu minimum et reste vigilante concernant la révision des critères d’éligibilité  ou au manque de soutien des bénéficiaires. 

Au regard de cette analyse de la situation nationale, la Commission européenne ne propose de recommandations spécifiques au logement mais rappelle la nécessité pour les groupes défavorisés de continuer les mesures de lutte contre la pauvreté et en faveur de l’inclusion social, avec une attention particulière pour les enfants, l’accès au logement abordable et la prévention des expulsions.

La prochaine étape de ce semestre européen, qui intègre et rationalise les objectifs et les outils économiques, climatiques et sociaux européens au sein des politiques économiques et budgétaires des Etats membres, est l’élaboration et la soumission des plans budgétaires et structurels à moyen terme au plus tard le 20 septembre 2024, ceux-ci devant être mis en œuvre à partir de 2025.

L’outil de gouvernance économique qu’est le semestre européen montre sa capacité à évoluer et à s’adapter aux crises et aux réformes. Les politiques publiques de logement y ont trouvé définitivement leur place même si l’on peut regretter que les actions proposées et mise en place se concentrent principalement sur la question de la rénovation énergétique et non plus largement sur la crise de l’accès au logement. 

Il sera intéressant et éclairant pour la France, faisant l’objet d’un procédure de déficit excessif, d’exposer les choix qui seront fait en la matière pour les années à venir. 

En effet, dans un contexte de réduction de la dette, et alors que les programmes soutenus par les outils financiers de la relance européenne sont quasiment consommés et arrivent à leur fin, quelles seront les orientations prises pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux qui demandent des investissements colossaux   et pour répondre à la crise de l’accès au logement abordable et social et à la lutte contre l’exclusion ? 

Le logement va-t-il être défini comme un investissement stratégique dans les plans budgétaires et le budget national permettant de se prévaloir des aménagements du nouveau pacte de stabilité et de croissance ou sera-t-il vu comme une source d’économies contribuant à la mise en œuvre de la trajectoire de réduction des déficits ? Comment le futur plan européen pour le logement abordable annoncé par la présidente renouvelée de la Commission européenne intègrera-t-il ces contraintes?

 

Pour en savoir plus: Paquet «Semestre européen» du printemps 2024 (europa.eu)

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