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Etat du logement dans l'Union européenne - crise du logement abordable

Actualité
Laurent GHEKIERE
Laurent GHEKIERE Publié le 04 octobre 2024 à 10:15

L’Union européenne est confrontée à une crise du logement généralisée. 

Le prix des logements et les loyers ont augmenté ces dix dernières années et cette augmentation s’est accélérée de manière significative pendant la pandémie. De plus, dans de nombreux États membres, le marché locatif n’est pas suffisamment développé. La construction et la rénovation de logements ont reculé de 2,6 % en 2023 et une nouvelle baisse de 5,7 % est attendue pour 2024.

En outre, dans plusieurs États membres, les revenus n’ont pas progressé au même rythme que les prix de l’immobilier, en particulier pour les jeunes des zones urbaines. 

De con côté, l’inflation élevée de ces dernières années a aussi entamé le pouvoir d’achat des ménages. Il en résulte une dégradation de l’abordabilité du logement pour les candidats à l’accession à la propriété et à la location par rapport à dix ans en arrière. 

En outre, l’offre de logements sociaux et abordables est restée insuffisante au cours de la dernière décennie dans la plupart des États membres.

Cette dégradation de l’abordabilité du logement a de graves conséquences sociales et économiques. Le découplage entre le coût du logement et la croissance des revenus érode la cohésion sociale et territoriale et contribue au mécontentement politique au niveau régional et local. 

Certains groupes, parmi lesquels les ménages à faibles et moyens revenus et les jeunes, sont particulièrement touchés par ces problèmes d’abordabilité du logement. 

La hausse du prix des logements et des loyers peut empêcher les jeunes de quitter le domicile familial pour étudier et trouver un premier emploi à la hauteur de leurs qualifications. 

Le manque d’abordabilité du logement freine également la mobilité de la main d’œuvre vers les emplois situés dans les zones métropolitaines, en particulier les emplois à moyen et bas salaire dans les secteurs essentiels en pénurie (ex : santé, soins à la personne et éducation) - un phénomène exacerbé par le manque généralisé d’accessibilité et/ou d’abordabilité des transports publics dans les banlieues et les zones rurales. 

L’écart croissant entre le coût du logement et les revenus a ainsi une incidence négative sur le fonctionnement du marché du travail et nuit à la compétitivité de l’économie. Sans compter que l’inégalité d’accès au logement exacerbe les inégalités des chances et l’exclusion sociale. Les plus vulnérables souffrent de manière disproportionnée de cette situation, tandis que le risque de sans-abrisme augmente.

Les augmentations de prix observées sur le marché de l’immobilier s’expliquent par plusieurs facteurs, sur fond d’incapacité croissante de l’offre de logements à répondre la demande là où elle est forte. 

L’offre de logements est limitée depuis des années par une baisse de la construction et de la rénovation résidentielles dans l’UE après la crise financière et économique de 2008, qui a entraîné une réaffectation importante des ressources au détriment du secteur de la construction ainsi que des pénuries de main d’œuvre (associées au vieillissement de la main d’œuvre). 

De plus, de nombreux États membres se heurtent à des obstacles réglementaires persistants à la construction, notamment à de longues procédures d’autorisation et à l’existence limitée de possibilités de (re)développement (foncier, projets de rénovation, projets de reconversion, développement intercalaire, etc.) 

Qui plus est, dans certaines zones urbaines et touristiques, une part non négligeable du parc de logements a été convertie en locations de courte durée, ce qui restreint encore davantage l’offre de logements dans des zones où elle était déjà limitée. 

La pandémie et la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont accentué la pression sur les coûts du logement en augmentant le coût des intrants et en perturbant la chaîne d’approvisionnement. 

Le coût de la construction de nouveaux logements a également grimpé en flèche depuis 2019. Depuis 2022, la hausse des taux d’intérêt a rendu de nombreux projets potentiels de construction et de rénovation de logements non rentables. 

Enfin et surtout, l’écart entre l’offre et la demande en logements a été aggravé par l’absence d’investissements publics dans le logement social et abordable au cours des dernières décennies.

La demande en logements résulte à la fois de facteurs structurels et de facteurs cycliques. La demande en logements subit l’influence de l’évolution démographique sur le long terme, comme par exemple l’évolution de la composition des ménages ainsi que la mobilité et les schémas migratoires, tant aux niveaux national qu’international. 

La demande continue d’augmenter dans de nombreuses zones urbaines parce que les perspectives économiques et la qualité de vie y sont meilleures. Ce phénomène est souvent compensé par une baisse de la demande dans les régions périphériques. 

Depuis la pandémie, l’augmentation du télétravail se traduit par une évolution régionale de la demande en logements qui reste difficile à évaluer. Les revenus des ménages et les taux d’intérêt hypothécaires sont deux facteurs cycliques interdépendants. Alors que les revenus ont augmenté progressivement dans l’UE depuis la reprise amorcée en 2013, les taux d’intérêt hypothécaires sont restés très bas pendant la majeure partie de cette période, ce qui a fait peser une pression considérable sur la demande en logements, y compris sur la demande spéculative. 

Enfin, la demande a parfois été stimulée par des mesures fiscales telles que les réductions d’impôt pour intérêts hypothécaires.

Les problèmes de logement se posent de manière particulièrement marquée dans les zones urbaines, où vivent les trois quarts de la population de l’UE. Cette situation est liée à la rareté des terrains sur lesquels la construction de logements est autorisée. Elle permet aux propriétaires de terrains destinés au logement de bénéficier de gains monopolistiques qui, dans la plupart des États membres, ne sont pas partagés avec l’État faute de taxation appropriée (ex. : impôt sur la valeur foncière). 

Par ailleurs, la rigueur de la réglementation en matière de zonage et de construction empêche totalement la construction ou en fait un processus lent et coûteux. En 2023, 8,9 % de la population de l’UE consacraient 40 % ou plus du revenu disponible du ménage au logement, avec une proportion plus élevée dans les villes (10,7 %) que dans les zones rurales (7 %). 

Alors que la surcharge des coûts du logement est normalement plus élevée dans les villes que dans les zones rurales, l’accès à des logements publics abordables peut s’avérer difficile dans un certain nombre de zones rurales. 

Dans le même temps, plus la ville est grande, plus il est difficile de trouver un logement à un prix raisonnable. 

Enfin, près de 17 % de la population de l’Union européenne vivent dans des logements surpeuplés.

Si la rénovation du parc immobilier joue un rôle crucial dans la réalisation des objectifs de neutralité climatique et de résilience d’ici à 2050 en réduisant les dépenses de combustible des ménages, c’est aussi une pression supplémentaire qui s’exerce sur les coûts du logement. 

La qualité des logements existants n’est pas à la hauteur des ambitions du Pacte vert européen, car actuellement, dans l’UE, le secteur du bâtiment est responsable de 40 % de la consommation d’énergie et de 35 % des émissions de gaz à effet de serre. 

85 % du parc de logements de l’UE ont été construits avant 2001 et seront très probablement encore debout en 2050. Compte tenu du retard pris dans la rénovation, qui est aggravé par la pénurie de main d’œuvre et de compétences dans le secteur de la construction et dans d’autres secteurs clés pour la transition écologique, l’UE et les États membres pourraient ne pas être en mesure d’atteindre leurs objectifs en matière de climat et d’énergie pour 2030 et au-delà. 

La rénovation est un moyen de moderniser le parc immobilier, d’augmenter la disponibilité des bâtiments, leur performance énergétique et leur résilience. La rénovation énergétique permet quant à elle de s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté énergétique et d’améliorer la qualité de vie. 

Cependant, elle nécessite aussi de lourds investissements initiaux, ce qui pèse sur le prix des logements neufs et engendre des coûts supplémentaires pour les logements anciens. À court terme, cela peut réduire encore davantage l’abordabilité du logement.

Pour remédier à ces problèmes, il faut des outils qui facilitent l’accès au financement et encouragent l’investissement dans le secteur du logement, y compris au niveau de l’UE. L’utilisation de fonds publics pour mobiliser l’investissement et les instruments financiers privés se sont avérés être des outils efficaces pour promouvoir l’investissement dans ce domaine.

Source : note interne Commission européenne

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