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Crise européenne du logement : mais que peut faire l'Union européenne ?

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Laurent GHEKIERE
Laurent GHEKIERE Publié le 04 octobre 2024 à 11:01

... car la plupart des leviers politiques permettant de façonner le marché du logement relèvent de la compétence des Etats-membres. 

Les gouvernements des Etats-membres fixent le cadre règlementaire général, y compris les règles de construction et les normes applicables aux produits qui ne sont pas couverts par le Règlement sur les produits de construction, ainsi que le zonage et les droits des locataires. Ils sont également responsables des politiques fiscales (impôt foncier, subventions, incitations financières), des stratégies nationales et des programmes de logement.

Dans le même temps, la règlement dérivée de l'Union européenne, de même que la manière dont elle est mise en œuvre dans les États membres, a un impact indirect sur la complexité, le coût ou le temps nécessaire à la fourniture de logements. 

L’impact des politiques et des réglementations européennes sur les marchés du logement semble varier d’un État membre à l’autre en fonction de facteurs tels que le parc de logements existant, les réformes nationales, la fiscalité, les enjeux environnementaux et le fonctionnement de la législation nationale et de la réglementation sur l’utilisation des sols. 

Les municipalités jouent également un rôle central en garantissant l’accès à un logement accessible, abordable et social et sont souvent les plus touchées par les problèmes d’abordabilité du logement. Leurs compétences sont multiples, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire aux règles de construction (en partie) et de la délivrance des permis de construire et de l’application de la législation en matière de zonage à la mobilité et aux transports publics en passant par d’autres services et infrastructures publics.

La Commission européenne suit de près l’évolution du marché du logement dans l’UE dans le cadre du Semestre européen. Le suivi et l’évaluation de la situation du marché du logement dans les États membres font partie intégrante de la surveillance macroéconomique de la Commission. 

L’évolution du marché du logement en particulier relève de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, qui a été créée après la crise financière et dont le secteur du logement constitue un volet important. 

Bien que la Commission se concentre principalement sur l’impact macroéconomique des déséquilibres du secteur du logement, elle a travaillé en étroite collaboration avec l’OCDE, qui évalue les aspects structurels du logement, et avec le Comité européen du risque systémique (CERS), qui évalue également les aspects de stabilité financière du logement au niveau national.

La question de l’abordabilité du logement a pris de plus en plus d’importance dans ce processus de surveillance, qui comprend également une évaluation du cadre politique au niveau national. 

Les conclusions de cette analyse sont régulièrement reprises dans les rapports de la Commission (rapport sur le mécanisme d’alerte, bilans approfondis, notes horizontales), qui constituent la base analytique des recommandations spécifiques par pays en matière de logement (social, abordable). 

Compte tenu de cette architecture à plusieurs niveaux, il est nécessaire, pour relever les défis actuels, d’adopter une approche collaborative impliquant tous les niveaux des pouvoirs publics et toutes les parties prenantes concernées, y compris les acteurs du secteur privé

La coopération intergouvernementale sur les questions urbaines, y compris le logement, dans le cadre de l’Agenda urbain pour l’UE, a déjà donné lieu à quelques réussites qui pourraient être élargies. 

Le partenariat de l’Initiative pour le logement abordable rassemble des fournisseurs de logements, des acteurs de la construction et de l’économie sociale et des organismes de financement dans le but de faciliter le transfert de connaissances et de plans permettant la reproduction de projets de rénovation dans les quartiers de logements sociaux et abordables. L’objectif est de créer 100 quartiers intégrés phares d’ici à 2030.

Les appels à une action coordonnée au niveau de l’UE se sont multipliés ces derniers mois. 

Les États membres ont appelé à un deal européen en matière de logement social et abordable et ont demandé à la Commission d’agir, par exemple, en favorisant l’apprentissage mutuel et les partenariats entre les acteurs publics et les acteurs privés du secteur du logement. 

L’abordabilité du logement est une priorité pour les formations politiques et les parties prenantes. La nécessité d’un mécanisme de coordination au niveau de l’UE a également été mentionnée dans le rapport Letta sur le marché unique, avec une proposition visant à créer une "task force européenne sur l’abordabilité du logement".

Suite à ces appels et compte tenu de l’ampleur du problème, une réponse politique coordonnée au niveau de l’UE est nécessaire. 

Bien que l’UE ait pris une série de mesures concrètes :

  • Affordable Housing Initiative, 
  • nouveau Bauhaus européen, 
  • mission sur le climat et les villes intelligentes, 
  • InvestEU, 
  • financement de l’UE, etc., 

Plan européen pour le logement abordable

Ces efforts doivent être poursuivis et complétés par de nouvelles mesures. C’est pourquoi, dans les orientations politiques de la prochaine Commission européenne 2024-2029, la présidente élue a annoncé son intention de présenter le tout premier plan européen pour le logement abordable

Cette nouvelle initiative prévoirait de nouvelles actions phares à valeur ajoutée européenne ciblées sur les principaux facteurs qui déterminent le prix des logements, avec entre autres : 

  • une stratégie pour la construction de logements, 
  • une plateforme d’investissement paneuropéenne pour le logement abordable et durable, 
  • la mise en œuvre rapide du Fonds social pour le climat 
  • et la révision des règles existantes en matière d’aides d’État. 

En outre, une première mesure immédiate consisterait à injecter des liquidités sur le marché en autorisant les États membres à doubler l’investissement dans le logement abordable prévu dans le cadre de la politique de cohésion. (FEDER).

Ce nouveau Plan pour le logement abordable pourrait prendre la forme d’une communication globale de la Commission présentant les grandes lignes et les différents chantiers, et pourrait être adopté dans les 100 premiers jours du prochain mandat. 

Les objectifs spécifiques annoncés dans la communication seraient adoptés au cours des cinq années suivantes.

  1. Stimuler l'offre de logements abordables et durables pour l'investissement et d'autres mesures

Ce volet prioritaire a pour but de mobiliser l’investissement public et privé à tous les niveaux pour la construction et la rénovation, y compris pour le logement social, en tirant parti du financement et des programmes de l’UE et en créant un environnement réglementaire plus favorable. La Commission continuera de faciliter l’accès au financement et aux instruments financiers européens existants (ex. : RRF, ERDF, InvestEU, toolkit sur le logement social, ELENA) et de mener la vague de rénovation (par exemple avec la Directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), le Fonds social pour le climat, le Pacte pour les compétences).

En outre, la Commission :

  • injectera des liquidités sur le marché en autorisant les Etats-membres à doubler l'investissement dans le logement abordable prévu dans la politique du cohésion,

  • étudiera la possibilité d'augmenter la garantie disponible dans le cadre du programme InvestEU pour le logement social et abordable, grâce par exemple : 

    • aux contributions des États membres (provenant de la facilité pour la reprise et la résilience, des fonds en gestion partagée ou de leurs ressources propres) aux compartiments États membres mis en œuvre par les partenaires de mise en œuvre (groupe BEI, établissements financiers internationaux tels que la Banque de développement du Conseil de l’Europe, et les banques et organismes nationaux spécialisés dans le soutien aux entreprises), 

    • aux compléments provenant d’autres programmes de l’UE vers le compartiment UE pour répondre à la forte demande des partenaires de mise en œuvre existants et nouveaux, 

    • créera, en collaboration avec la Banque européenne d’investissement, une plateforme d’investissement paneuropéenne pour le logement abordable et durable afin de mieux attirer l’investissement public et privé, 

    • déploiement rapide et efficace du Fonds social pour le climat, qui facilitera notamment la rénovation et l’accès à des logements abordables et économes en énergie. encouragera les États membres à utiliser également les recettes tirées de la mise aux enchères de leurs quotas dans le cadre des systèmes d’échange de quotas d’émission de l’UE (EU ETS), et en particulier du nouveau système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments, le transport routier et les petites industries (ETS2), pour soutenir le logement - y compris le logement social - abordable et efficace sur le plan énergétique conformément à la recommandation du Conseil visant à assurer une transition équitable vers la neutralité climatique,

    • révisera les règles relatives à l’aide d’État afin de permettre la prise de mesures d’aide au logement, en particulier pour le logement social et le logement abordable et économe en énergie,

    • étudiera la possibilité de soutenir l’adoption de prêts hypothécaires verts pour la rénovation et la construction durable dans le cadre d’un dispositif de prêts verts, 

    • étudiera la possibilité de poursuivre la normalisation des instruments adossés à des créances hypothécaires afin de réduire les frais d’emprunt des prêteurs en rendant ces actifs plus attrayants et plus liquides, ce qui permettra aux prêteurs de baisser leurs taux d’intérêt hypothécaires. Cette mesure peut rendre le logement (social) plus abordable. La normalisation favorise également la transparence et encourage l’investissement dans le secteur du logement. Il pourrait également être utile de poursuivre la normalisation sur la base de la directive sur le crédit hypothécaire et de définir en quoi consiste l’investissement dans le logement social,

    • étudiera la possibilité de réviser la directive sur le crédit hypothécaire et, dans l’affirmative, d’encourager l’adoption de prêts hypothécaires verts,

    • lancera une nouvelle stratégie pour la construction de logements afin de soutenir l’offre de logements en coordonnant l’action entre les niveaux politiques et les différents niveaux de gouvernance, en supprimant les obstacles à l’adoption de techniques industrialisées et de la numérisation, et en coordonnant les financements européens et nationaux, la recherche et l’innovation et les efforts de normalisation. Cela permettra de réduire les coûts de construction, de renforcer les compétences de la main d’œuvre, d’augmenter la productivité et d’améliorer les performances environnementales du secteur de la construction,

    • formera des travailleurs dotés des compétences nécessaires pour permettre l’augmentation de l’offre de logements grâce à des techniques de construction modernes via des partenariats industriels existants sur la construction durable et l’efficacité énergétique dans le cadre du Pacte européen pour les compétences et de la plateforme Just Transition dans les régions les plus affectées par la transition vers la neutralité climatique,

    • réfléchira à des financements innovants, que ce soit sous la forme de financements mixtes ou d’options de coûts simplifiés (OCS), notamment pour l’investissement dans l’efficacité énergétique et le modèle de développement territorial du nouveau Bauhaus européen,

    • encouragera l’utilisation des lignes directrices en matière d’investissement du nouveau Bauhaus européen afin de soutenir l’investissement dans un environnement bâti de haute qualité, accessible et durable, et d’élargir sa communauté,

    • assistera sur demande les États membres dans l’élaboration de réformes sur mesure visant à accroître l’offre de logements abordables dans le cadre de l’instrument d’appui technique (TSI), et notamment de l’initiative phare Démographie du TSI 2025.

     

  1. Améliorer l’accès à un logement abordable et durable pour les personnes dans le besoin 

Ce volet vise à aider les États membres à faciliter l’accès au logement, en mettant l’accent sur les personnes en situation de vulnérabilité (les jeunes qui ne trouvent pas de logement, les Roms, les porteurs de handicap, les sans-abris, les personnes issues de l’immigration, les familles monoparentales, par exemple). Il met également l’accent sur le soutien à la rénovation énergétique pour les populations vulnérables. 

Dans sa version de 2024,la directive sur la performance énergétique des bâtiments prévoit par exemple une meilleure planification et un meilleur soutien technique pour la rénovation, ainsi que des mesures de financement ciblées en particulier sur les clients vulnérables et sur les bâtiments les moins performants afin de lutter contre la pauvreté énergétique et de réduire les factures d’énergie.

En outre, la Commission :

  • promouvra l’égalité, la non-discrimination et l’accessibilité dans le secteur du logement par l’échange de bonnes pratiques en collectant des données sur l’égalité dans le domaine du logement, en collaborant avec les réseaux européens sur l’égalité et la non-discrimination et en poursuivant les travaux en vue de l’adoption de la proposition de directive de 2008 relative à l’égalité de traitement entre les personnes, qui englobe le logement.

  • promouvra des formes innovantes de logement inclusif telles que le logement intergénérationnel ainsi que des modèles économiques alternatifs tels que les coopératives de logement et les fiducies foncières communautaires (Community Land Trust), en examinant notamment les modèles proposés dans le cadre de l’économie sociale. 

  • proposera une recommandation du Conseil sur les cadres propices à l’éradication du sans-abrisme afin d’encourager les États membres à adopter ou à mettre à jour des stratégies globales et des initiatives politiques promouvant une approche centrée sur la personne, intégrée et axée sur le logement afin de lutter contre le sans-abrisme. 

  • assistera sur demande les États membres dans l’élaboration de réformes sur mesure visant à accroître l’accès des personnes en situation de vulnérabilité à un logement abordable dans le cadre de l’instrument d’appui technique (TSI), et notamment de l’initiative phare Démographie du TSI 2025.

     

3. Promouvoir une approche à l’échelle du gouvernement et de la société tout entiers, en donnant aux pouvoirs publics nationaux, aux villes, aux régions et au secteur privé les moyens d’agir. 

Ce volet transversal vise à responsabiliser les niveaux compétents et à favoriser les partenariats entre les acteurs concernés afin de s’attaquer aux causes profondes de "l’inabordabilité" du logement, tant du côté de la demande que de l’offre, en encourageant l’échange et le partage de connaissances et en proposant des orientations fondées sur des données probantes. La Commission continuera de soutenir l’échange et l’apprentissage mutuel dans les canaux établis : 

  • Initiative urbaine européenne, 

  • Programme urbain, 

  • Plateforme pour une transition juste, 

  • Forum de haut niveau sur la construction, 

  • partenariats public-privé et public-public en matière de R&I, 

  • nouveau Bauhaus européen, 

  • plateforme européenne sur la lutte contre le sans-abrisme, 

    de suivre et d’analyser les tendances dans les États membres, d’apporter un soutien spécifique aux villes et de fournir des statistiques européennes sur le logement et l’immobilier et, si nécessaire, de les affiner.

En outre, la Commission :

  • lancera une alliance européenne pour le logement afin de recenser les besoins et les obstacles en matière d’investissement, d’échanger les bonnes pratiques et les expériences en matière d’investissement dans le logement abordable et de recueillir les promesses d’investissement des partenaires de mise en œuvre d’InvestEU (groupe BEI, établissements financiers internationaux, banques et organismes nationaux de soutien aux entreprises) et des autres acteurs concernés. mettra en place, dans le cadre de cette alliance, un mécanisme/une plateforme de gouvernance à plusieurs niveaux pour l’échange de bonnes pratiques, avec éventuellement un sommet européen annuel sur le logement qui rassemblera tous les acteurs concernés (coordonné/intégré avec les canaux existants). Le logement sera également l’un des thèmes prioritaires des autres forums européens pertinents, tels que le forum bisannuel des villes, qui devrait avoir lieu en juin 2025. utilisera le cadre de la coalition européenne pour le financement de l’efficacité énergétique pour identifier et traiter les goulots d’étranglement au niveau de l’UE et au niveau national afin de faciliter une utilisation plus large du financement privé pour l’efficacité énergétique.

  • cartographiera et analysera le marché du logement et les cadres réglementaires en matière de logement dans les États membres et les régions, 

     

  • fournira des statistiques comparables et de haute qualité sur le logement et surveillera la performance énergétique du parc de logements à l’aide de rapports et d’outils interactifs. 

  • proposera une recommandation du Conseil dans laquelle figureront des orientations à l’intention des États membres sur les moyens qui permettraient de favoriser la construction de logements et l’accès à un logement abordable et durable (notamment par l’octroi de permis, l’aménagement urbain, la fiscalité, etc.), éventuellement avec une aide pour le renforcement des capacités dans le cadre de l’instrument d’appui technique.

     

  • poursuivra les travaux en cours qui ont pour objectif de soutenir la mise en œuvre du règlement sur la collecte et le partage de données relatives aux services de location de courte durée et s’attaquera à l’utilisation inefficace ou sous-optimale du parc de logements actuel.

 

Communication et sensibilisation

Pour obtenir le soutien des citoyens et des parties prenantes, des actions de communication et de sensibilisation accompagneront le travail politique. Il est à envisager que cette thématique soit également couverte par les dialogues politiques en faveur de la jeunesse (prévus pour les 100 premiers jours, comme cela a été annoncé dans les orientations politiques), les dialogues sociaux et les panels de citoyens. 

Elle devrait également figurer en bonne place dans l’examen annuel de la croissance durable qui ouvre le cycle du semestre européen 2025, où elle serait reliée à la cohésion, à la facilité pour la reprise et la résilience et aux autres possibilités de financement (boîte à outils à l’intention des États membres). Les exemples de réussite devraient être partagés entre les États membres par l’intermédiaire du réseau InformEU.

D’autres flux de communication seront développés au fur et à mesure des travaux politiques, le cas échéant. 

 

Source : note interne Commission / plan européen pour le logement abordable, von der Leyen II 2024-2029
 

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