"La restructuration du modèle du logement social doit être conduite en conformité avec le droit européen"
08 novembre 2018
Ajouter à OutlookExtrait du rapport P.45 à 48
LA RESTRUCTURATION DU MODÈLE FRANÇAIS DU LOGEMENT SOCIAL DOIT ÊTRE CONDUITE AVEC PRÉCAUTION ET EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPEEN
L’amorce d’une restructuration du secteur intervient en parallèle d’une mise en conformité tardive avec le droit européen sur la compensation d’obligation de service public.
Elle a par ailleurs des conséquences sur l’ensemble du secteur du logement.
LA RESTRUCTURATION DU SECTEUR SOCIAL DOIT RESPECTER LE DROIT DE L’UNION
Bien que les États membres disposent d’une marge de manœuvre importante dans l’organisation de leurs services publics, leur fonctionnement doit s’inscrire dans un cadre général permettant le bon fonctionnement du Marché intérieur, et le service public du logement social n’en est pas exempté.
Le SIEG et les avantages de service public des organismes HLM : Le logement social est considéré comme un service d’intérêt économique général. Les services d’intérêt économique général sont des services de nature économique qui sont soumis à des obligations de service public dans le cadre d’une mission particulière d’intérêt général. Ils peuvent être fournis par des autorités publiques, ou par des entreprises, publiques ou privées, mandatées en ce sens.
L’article 14 du traité de Lisbonne rappelle l’importance de ces services et leur rôle majeur dans la cohésion sociale et territoriale de l’Union et de ses États membres. À ce titre, les États membres disposent d’une certaine liberté dans l’organisation de ces services, dès lors que l’organisation et le fonctionnement choisis ne portent pas atteinte de manière disproportionnée à la réalisation du marché intérieur.
L’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitat dispose que les organismes d’habitations à loyer modéré, en conformité avec le droit de l’Union européenne sur les compensations de service public, bénéficient d’exonérations fiscales et d’aides spécifiques de l’État pour l’accomplissement de ce service public (Article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitat).
Les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés aux alinéas précédents bénéficient, en conformité avec la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, d’exonérations fiscales et d’aides spécifiques de l’État au titre du service d’intérêt général défini comme :
- la construction, l’acquisition, l’amélioration, l’attribution, la gestion et la cession de logements locatifs à loyers plafonnés, lorsqu’elles sont destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum fixés par l’autorité administrative pour l’attribution des logements locatifs conventionnés dans les conditions définies à l’article L. 351-2 et dont l’accès est soumis à des conditions de ressources. […];
- la réalisation d’opérations d’accession à la propriété destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum, […];
- la gestion ou l’acquisition en vue de leur revente, avec l’accord du maire de la commune d’implantation et du représentant de l’État dans le département, de logements situés dans des copropriétés connaissant des difficultés importantes de fonctionnement […];
- l’intervention comme opérateur, sans pouvoir être tiers-financeur, dans le cadre des procédures prévues à l’article 29-11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et de l’article L. 615-10 du présent code ;
- les services accessoires aux opérations susmentionnées.
Les organismes HLM disposent ainsi d’un certain nombre d’avantages :
- une exonération d’impôt sur les sociétés des organismes HLM et des offices publics d’aménagement et de construction, pour un coût estimé à 1,16 milliard d’euros pour 2019 ;
- un taux de TVA réduit, à 10 %, pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux, pour un coût chiffré à 2,45 milliards d’euros en 2019 ;
- une exonération d’impôt sur les sociétés pour les opérations afférentes au secteur locatif, réalisées au titre du service d’intérêt général défini au neuvième alinéa de l’article L. 411-2 du CCH. ; son coût n’est pas chiffré dans les documents budgétaires;
- une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par l’article 1384 du code général des impôts, cette exonération concerne les constructions neuves affectées à l’habitation principale lorsqu’elles ont fait l’objet d’un prêt selon le régime propre aux habitations à loyer modéré.
Outre ces avantages fiscaux, les organismes disposent également d’un circuit de financement privilégié. En effet, la Caisse des dépôts leur propose des prêts structurés à long terme, appuyés sur les dépôts de livret A.
Ainsi en 2016, 17,3 milliards de prêts ont été signés, pour 109 000 constructions / acquisitions de logements sociaux et 311 000 réhabilitations de logements sociaux financées.
À noter que les organismes étaient destinataires d’aides à la pierre par l’intermédiaire du FNAP jusqu’au projet de loi de finances pour 2019.
Ils sont aussi des bénéficiaires indirectes du versement de l’APL aux ménages.
Les organismes peuvent bénéficier de cet ensemble d’avantages après avoir obtenu un agrément des autorités publiques, qui leur permet d’intervenir dans le logement social. Cet engagement se matérialise depuis 2009 par une convention d’utilité sociale, qui comprend des dispositions relatives à la politique de patrimoine et d’investissement de l’organisme, ainsi que les engagements à suivre en termes de service. En contrepartie, les bailleurs s’engagement à respecter des plafonds de loyers, des plafonds de ressources pour les locataires, ainsi qu’à entretenir et améliorer leur patrimoine existant.
Le contrôle du risque de surcompensation doit être effectué par l’État membre. Si les entreprises exerçant un SIEG peuvent recevoir des aides d’État pour compensation de service public, un contrôle doit néanmoins s’exercer pour vérifier l’absence de surcompensation. Cela découle directement de la décision dite Almunia de la Commission européenne du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union.
L’article 5 de la décision énonce que « le montant de la compensation n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l’exécution des obligations de service public, y compris un bénéfice raisonnable ».
La décision indique également qu’il est du ressort des États membres de veiller à ce que la compensation correspond aux critères fixés par l’article 5.
L’Agence national de contrôle du logement social (ANCOLS) a été chargée d’élaborer une méthode qui permettrait de calculer s’il existe des cas de surcompensation dans le secteur du logement social, c’est-à-dire si certaines compensations pour obligation de service public étaient disproportionnées, eut égard aux contraintes entraînées par l’accomplissement de ce service. Cette compétence exclusive lui est attribuée par l’article L. 342-2 du CCH.
Un désaccord persiste quant à la méthode précise à mettre en œuvre pour calculer cette surcompensation. L’Union sociale pour l’habitat (USH) considère que la seule méthode viable consiste à calculer la surcompensation sur chaque opération d’investissement. À l’inverse, l’ANCOLS prône une méthode de calcul à l’opérateur. Selon l’agence, le contrôle doit porter sur l’ensemble du service public du logement social, et non sur les seuls projets d’investissements individuels, dans lesquels n’apparaissent pas un certain nombre d’avantages fiscaux, tels que l’exonération d’impôt sur les sociétés ou l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Le rapporteur spécial alerte sur les dangers de conduire la réflexion sur la méthode à l’envers, c’est-à-dire en réfléchissant à la méthode qui mettrait le moins de bailleurs sociaux dans une situation de surcompensation. Il s’agirait au contraire d’élaborer une méthode qui puisse convenir aux standards européens, et ensuite évaluer le nombre d’organismes susceptibles d’être concernés. Il considère qu’il est devenu urgent de trancher entre ces deux méthodes, afin que l’ANCOLS puisse démarrer ses contrôles le plus rapidement possible et que la France soit enfin en conformité avec le droit européen.
Il faut également que cette notion de surcompensation soit prise en compte lors des regroupements d’organismes. Le rapporteur considère que cette réflexion sur la surcompensation est l’occasion d’une réflexion plus globale sur les avantages dont bénéficient les organismes de logements sociaux.
La Cour des comptes, dans un référé de juin 2017, a dressé le constat que les paramètres de certains avantages n’étaient pas efficients, en ce qu’ils ne bénéficiaient pas forcément aux organismes en ayant le plus besoin. Concernant le risque d’un bouleversement complet du modèle français de logement social par l’intermédiaire de la surcompensation, le rapporteur estime qu’il est pour le moment plutôt faible.
La Commission européenne elle-même a souligné, dans un rapport de janvier 2018, que le secteur du logement social était un pilier du système social et devait être préservé. Pour autant, la surcompensation devrait rester un point de vigilance des pouvoirs publics, surtout alors que les organismes sont en train de se regrouper.