Offre locative comparée dans les métropoles européennes (vu d'Espagne)
30 janvier 2019
Ajouter à OutlookUn casse-tête pour les métropoles européennes
Les locations représentent un véritable casse-tête pour les principales capitales européennes. Des prix en hausse, des difficultés d'accès aux logements et des politiques tentant de renverser la tendance. La situation de la location est similaire dans quasiment toutes les grandes villes.
L'Espagne est pratiquement retournée à la case départ suite à l'abrogation, par le Congrès, du décret législatif sur le logement. L’Espagne est un des pays d'Europe occidentale possédant le moins de personnes vivant en location : 22,9 %, selon les dernières données d'Eurostat datant de 2017, incluant les personnes déclarant vivre dans des maisons prêtées (omission faite de cette tranche de la population, ce taux est de 16,9 %).
Ces chiffres contrastent avec ceux de l'Allemagne (48,6 %) et de l'Autriche (45 %), leaders continentaux.
En raison de la prééminence traditionnelle du logement en propriété, la location est devenue un problème politique relativement récent en Espagne, et l'augmentation des expulsions de locataires et la hausse des loyers en ont modifié la perception sociale et politique.
Concernant les prix, Eurostat réalise tous les ans une enquête menée auprès des agents immobiliers de plusieurs villes européennes. La dernière enquête, datant également de 2017, a situé le prix moyen d'un appartement d'une chambre non meublée à Madrid à 890 euros. Ce chiffre est le même à Lisbonne et dépasse celui de Bruxelles (770 euros).
Au-delà de cette valeur se situent Rome (930 euros), Berlin (960 euros), Vienne (980 euros), Paris (1 150 euros) et surtout Londres (1 750 euros).
Mais il s'agit d'une étude effectuée en considérant les « zones résidentielles de bonne qualité » où vivent généralement des fonctionnaires européens.
Elle ne prend pas en compte l'influence des logements sociaux, lesquels sont déterminants dans la capitale autrichienne par exemple, ni les autres stratégies des métropoles visant à contenir l'augmentation des prix.
Vivre en location dans d'autres parties de l'Europe offre le panorama suivant :
BRUXELLES, un marché protégé.
La Belgique maintient un marché dynamique de location de logements grâce à une réglementation offrant suffisamment de garanties au propriétaire et au locataire. La grande offre disponible permet de contenir les prix, hormis dans certains quartiers de Bruxelles où la présence notable d'expatriés provoque une hausse des loyers. Le taux de logements en propriété est élevé (environ 72 %), à l’exception de la capitale où plus de la moitié des logements sont occupés en régime de location. Les prix sont libres mais associés au coût de la vie. La révision des prix est effectuée chaque année mais non de manière automatique : le locataire doit la notifier. Et la loi fixe une limite dans les contrats de courte durée (moins de trois ans), cas dans lequel le propriétaire ne peut profiter du renouvellement du bail pour augmenter le loyer. L'expulsion en cas d'impayés ou de graves différends requiert une notification préalable adressée au Centre public d'action sociale qui peut proposer une procédure de conciliation ou offrir de l'aide à la personne expulsée.
Concernant la location d’un logement habituel, le contrat le plus fréquent est ce que l’on appelle le 3-6-9, c'est-à-dire renouvelable deux fois par triennats et pour trois ans supplémentaires. Il implique un état des lieux effectué par les deux parties et le dépôt d'une caution équivalant à deux ou trois mensualités. Cette caution couvrira également les éventuels dommages constatés au terme du contrat de location, suite à un nouvel état des lieux qui fait généralement trembler les locataires.
La formule 3-6-9 permet au locataire de quitter le logement à tout moment, avec un préavis de trois mois. Mais l'abandon du logement impliquera une pénalisation s'il se produit durant le premier triennat : trois mois de loyer devront être payés si l'on quitte le logement durant le premier exercice. Deux mois de loyer s'il s'agit du second exercice, et un mois de loyer durant la dernière année. Cette rigidité apparente est généralement accompagnée d'une flexibilité très belge : si le locataire trouve une personne le remplaçant pour occuper le logement, le propriétaire n'applique généralement pas de pénalisation. Quant au propriétaire, celui-ci peut résilier le contrat à tout moment, avec un préavis de six mois s'il souhaite occuper personnellement le logement ou le céder à un membre de sa famille. Il peut également réclamer le logement pour effectuer des travaux d'envergure. Une résiliation contractuelle en dehors de ces cas peut être effectuée au terme du premier ou du deuxième triennat, mais celle-ci implique une indemnisation conséquente allant respectivement de neuf à six mois de loyer. La législation offre également une protection particulière initialement prévue pour les personnes âgées et qui permet au juge de prolonger une location dans des cas exceptionnels de vulnérabilité.
PARIS, la seconde tentative visant à contrôler les prix.
Le débat sur le contrôle des loyers est récurrent à Paris, ville possédant une densité de population importante et une forte demande, avec des prix se situant parmi les plus élevés des grandes métropoles européennes. Le contrôle effectué par ce que l'on appelle l’« encadrement » est en cours de discussion. En novembre 2017, un tribunal administratif a annulé la décision qui limitait les loyers à Paris pour pallier les abus les plus flagrants. La décision annulée par le tribunal s’appuyait sur une loi française de 2014. Cette loi devait « combattre la forte augmentation des prix des loyers, le manque de logements et la baisse du pouvoir d’achat des foyers ». L'argument du tribunal reposait sur l'idée que «l'encadrement» des loyers ne pouvait se borner uniquement à Paris mais devait s'étendre aux villes périphériques.
Un autre argument contre la mesure reposait sur le constat que le contrôle renforcé des années précédentes n'avait pas permis de réduire les prix. Un an plus tard, en décembre 2018, en se basant sur une nouvelle loi sur le logement, le Conseil de Paris a pris la décision de rétablir le contrôle des loyers, mesure qui sera effective au cours des prochains mois. «Les Parisiens sont étouffés par les prix immobiliers et concernant les locataires, la situation s’est dégradée », affirmait le communiste Ian Brossat dans le Journal du Dimanche, responsable du logement dans la Mairie de Paris. « La suppression de l'encadrement des loyers a en moyenne fait perdre 1 500 euros annuels aux locataires parisiens ». Brossat expliquait qu'en appliquant la nouvelle réglementation, un prix maximum devra être fixé par mètre carré, quartier par quartier. Le prix de la location par mètre carré à Paris est nettement supérieur au reste de la France. Selon Clameur, une association du marché immobilier, ce prix a atteint les 24,4 euros en 2018. Cela représente quasiment le double par rapport aux autres grandes villes françaises comme Lyon, Marseille ou Bordeaux. Il convient toutefois de tenir compte de l’importance des logements sociaux dans la capitale : davantage accessibles, représentant à ce jour environ 20 % des résidences principales. L'objectif de la maire, Anne Hidalgo, est de parvenir à 30 %.
BERLIN : une nouvelle loi pour limiter les hausses des prix des loyers.
Le gouvernement de Berlin, une ville-État dans l’ordre fédéral allemand, peut-il limiter les loyers, du moins dans les quartiers où les prix des locations ont le plus augmenté ? Eva Högl, Députée du parti social-démocrate allemand (SPD) dans le Bundestag et Julian Zado, numéro deux du parti, croient en cette possibilité et en ont fait la proposition dans un article du journal Tagesspiegel. Cette idée est soutenue par le parti de Gauche et les Verts, et l'alliance qui gouverne à Berlin (SPD, La Gauche et Les Verts) débattra de cette possibilité mercredi prochain, ce qui pourrait représenter un tournant historique dans le pays.
La situation des prix du logement à Berlin et dans le reste du pays est réglementée par une loi promulguée le 1er juin 2015 et qui a amélioré la vie de millions de personnes en Allemagne, la fameuse "Mietpreisbremse" (frein des loyers). La loi limite les augmentations des nouveaux contrats à 10 % du loyer moyen de la zone où se trouve le logement, à la condition que le logement soit situé dans une zone de marché « tendu ».
Malgré ces bonnes intentions, les menaces d'amendes et une certaine disposition à vouloir punir les propriétaires, la loi n’a pas atteint ses objectifs. La vieille loi du marché — offre et demande— a ébranlé ces dispositions légales et les prix des loyers se sont envolés, a fortiori dans les grandes villes.
À Berlin par exemple, les loyers ont augmenté de plus de 20 % durant les cinq dernières années. Face à cette réalité, le Gouvernement Merkel a approuvé, en septembre dernier, un nouveau projet de loi ambitieux visant à protéger les locataires contre les abus des propriétaires et pour empêcher que les prix des loyers continuent d'augmenter dans les grandes villes du pays.
Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, oblige les propriétaires à informer les locataires des augmentations de loyer avant l’échéance du contrat de bail, outre le fait de stipuler que l'augmentation des locations ne puisse pas dépasser de 10 % le prix moyen dans la zone. Si les propriétaires décident d'appliquer des prix plus élevés, ils devront en expliquer les raisons. Et un manquement à de telles règles peut être assorti d'une amende allant jusqu'à 100 000 euros.
VIENNE : le paradis du logement social.
La capitale de l'Autriche est devenue une référence pour les villes affectées par la hausse des prix du logement. Parmi les 1,8 millions d'habitants de la métropole, 62 % vivent dans des logements sociaux, selon les données fournies par la Mairie.
Ces logements comprennent les appartements municipaux et les appartements subventionnés. Mais la ville, ayant été élue comme la plus habitable du monde, n'est pas épargnée par la gentrification et l’augmentation des prix des loyers. C'est pourquoi le gouvernement local, dirigé par une coalition de sociaux-démocrates et d’écologistes, a voulu intervenir et garantir que les deux tiers des nouvelles constructions de plus de 5000 mètres carrés soient des logements sociaux et n'excèdent pas le prix de loyer de cinq euros nets par mètre carré.
La solution adoptée par Vienne en vue de modérer les prix des loyers est basée sur une forte intervention des pouvoirs publics dans le domaine du logement.
Avec 220 000 appartements municipaux répartis dans tous les quartiers de la ville et gérés par la société publique Wiener Wohnen, la ville est le principal bailleur de ses habitants.
D'ici 2020, elle aura construit 4 000 appartements municipaux supplémentaires. Près de 500 000 personnes vivent dans ce type d'appartements d’un prix net actuel de 5,58 euros par mètre carré et qui sont loués de manière permanente.
Il existe également 200 000 appartements bénéficiant d'aides publiques et appartenant à la fédération des associations pour les logements à loyer modéré. Ils coûtent en moyenne 512,40 euros par mois, selon une étude récente publiée par les professeurs Dorothea Greiling et Friedrich Schneider. Ce même document indique que le loyer moyen des appartements municipaux est de 400,20 euros par mois.
« Le fait qu'autant de Viennois vivent dans ces deux types de logements constitue un frein à l'augmentation des prix dans le secteur privé » a assuré Renate Billeth, une des porte-paroles de Wiener Wohnen. Elle ajoute qu'il n'existe aucune limite concernant les prix des appartements construits par des entreprises privées dans de nouveaux bâtiments.
Les arguments des leaders locaux vont dans le même sens. Pour Christoph Chorherr, responsable des Verts pour la planification urbaine à Vienne, garantir un parc de logements avec des prix maximum de cinq euros par mètre carré oblige les prix du marché à baisser et permet de « combattre la spéculation du prix du sol ».
Vienne consacre chaque année 600 millions d'euros au secteur du logement.
LISBONNE met un terme au contrat libre.
En cinq ans, les prix des loyers à Lisbonne ont augmenté d'environ 71 % et quasiment aucun Portugais ne peut se le permettre. La pression provoquée par le boom touristique dans le pays depuis 2014 a coïncidé avec l'adoption d'une loi de libéralisation du logement lancée en temps de crise et qui autorise les contrats libres ou, dans le cas des contrats de location signés antérieurement, de procéder à des expulsions avec l’excuse de vouloir effectuer des travaux mineurs.
La pression touristique n'a pas épargné les quartiers les plus humbles de Lisbonne tels qu'Alfama et la Mouraria, dont la majorité des habitants sont des retraités et des personnes possédant de faibles revenus. Les personnes âgées qui étaient nées dans la maison où ils habitaient étaient contraintes de partir en raison d'un changement de propriétaire ou simplement d'une augmentation exorbitante du loyer. 58 % des expulsions dans le pays concernent Lisbonne et Porto.
À la fin de l'année dernière, le Parlement portugais a approuvé une nouvelle loi relative au logement annonçant que les personnes âgées de plus de 65 ans ou les personnes souffrant d'une invalidité de 60 % ne peuvent être expulsées d'une maison si elles y ont habité durant plus de 15 ans. Les contrats d'une durée inférieure à un an sont également interdits (la moitié des contrats qui étaient signés), de sorte que la durée de location doit désormais être au minimum de 12 mois, avec une tacite reconduction de trois ans si le locataire le souhaite.
Le gouvernement encourage également les contrats de longue durée (à partir de deux ans) avec un abattement progressif des loyers que perçoit le propriétaire.
Sur proposition de Bloco de Esquerda, partenaire du Gouvernement dirigé par le socialiste António Costa, une loi a en outre été approuvée pour lutter contre le harcèlement immobilier punissable d'une amende de 20 euros par jour. Si le locataire est âgé de plus de 65 ans, cette pénalisation passe à 30 euros.
ROME : des plafonds fixés auprès d'associations de propriétaires.
Selon les données du portail Solo Affitti (location seulement) collectées auprès de 300 agences spécialisées, le prix moyen de la location en Italie a augmenté de plus de 3 % durant la dernière année.
Dans les grandes villes, la demande dépasse généralement l'offre et l’augmentation explose : à Milan, la ville affichant les loyers les plus chers du pays, à Bologne, elle dépasse les 10 % et à Rome, elle dépasse les 7 %.
En outre, dans la capitale, le transfert massif de l'offre vers le marché des locations à court terme, principalement touristiques, a également provoqué une augmentation des prix de location conventionnelle. Il est même courant de trouver des logements dont le prix de location à l'année excède les revenus moyens annuels.
Il existe, depuis 1998, un mécanisme appelé « location à prix accordé » permettant à chaque mairie de fixer les prix maximums et minimums conformément aux accords conclus auprès des associations locales de propriétaires et des représentants des locataires.
Rome a introduit cette norme nationale en 2004, alarmée en raison de la différence entre la forte demande et la faible offre, et a renouvelé l'année dernière les accords conclus avec les organisations. À défaut d'accords locaux, les locataires et les propriétaires peuvent utiliser les accords de la ville la plus proche comme référence. Les caractéristiques du local, l'emplacement, les services proches du logement, les zones vertes, etc., sont pris en considération pour fixer le barème des prix. Chaque mairie indique avec précision comment effectuer une estimation du bien immeuble. En signant un contrat de bail, trois options sont envisageables. Contrats 3+2 (trois ans automatiquement reconductibles à deux ans supplémentaires), des contrats transitoires de 1 à 18 mois et variables jusqu'à trois ans pour les étudiants universitaires. Ces contrats sont de plus en plus populaires et s'imposent au dernier type de contrats, le fameux « contrat libre », dans la mesure où ils comportent une kyrielle d'encouragements fiscaux qui dépendent de chaque ville.
À Rome, les propriétaires recourant à cette mesure payent seulement 75 % de l'impôt municipal unique et de l'impôt sur les prestations indissociables, et 10 % des taxes sur la location (contre 21 % concernant les autres contrats). Ils bénéficient également d’allègements concernant l'impôt sur le revenu des personnes physiques allant jusqu'à 30 %. De plus, cette mesure offre des avantages aux locataires, lesquels peuvent bénéficier d'une réduction spéciale s'ils appartiennent à des groupes défavorisés ou s'ils possèdent de faibles revenus.
En 2016, le nombre de personnes ayant utilisé ce système a augmenté de 28 % en Italie, alors que le nombre de contrats libres a uniquement augmenté de 10 % par rapport à l'année précédente.
Durant cette même année, à Rome, parmi les 46.500 contrats de longue durée ayant été enregistrés, 24.000 concernaient un bail à loyer accordé.
LONDRES : très peu de régulation et des appartements hors de prix 21 % des foyers britanniques correspondent à des locations de logements privés et un quart concernent des familles avec des enfants.
Les locations affichent une tendance à la hausse en raison de l'augmentation des prix des biens immobiliers et du gel des salaires au Royaume-Uni. Les prix des loyers sont déterminés par un marché plus dynamique, avec énormément d'offre et de demande, et sont moins régulés que dans d'autres pays européens.
En outre, Londres est une des villes mondiales possédant les loyers les plus chers. Selon les statistiques officielles du gouvernement, un appartement de trois chambres coûte en moyenne plus de 2 100 euros de loyer mensuel. Dans les quartiers plus proches du centre-ville et les quartiers riches, ce chiffre peut atteindre le double. Il existe différentes formes de location (par semaine, par mois ou à longue durée) et il est fréquent de louer uniquement une chambre, mais le contrat le plus courant concerne généralement une période initiale et renouvelable d'entre six et douze mois.
La caution, qui doit être inscrite au registre appelé Deposit Protection Scheme (entité privée investie d'une mission publique), ne peut excéder l'équivalent d'un mois et demi de loyer, barème qui, cette année, sera réduit à cinq semaines lorsqu’une réforme de la loi entrera en vigueur.
L'accord le plus courant entre le propriétaire et locataire consiste à payer un mois de caution et un mois de loyer du mois en cours avant la remise des clés. Les contrats anglais précisent généralement les détails de chaque utilisation du bien immeuble (possession d'animaux, interdiction ou non de fumer…), ainsi que les éléments que les parties ont préalablement négociés concernant la révision du prix du loyer et ses délais. Le locataire a l'obligation de permettre à son propriétaire d'accéder au logement pour l'inspecter ou effectuer des réparations à la condition de le prévenir 24 heures à l'avance et de se présenter à une heure raisonnable.
Concernant les contrats d'une durée initiale d'un an, le locataire aussi bien que le propriétaire peuvent donner un préavis d'un ou de deux mois pour résilier le contrat à l'échéance d'une durée initiale de six mois.
La législation britannique met l'accent sur la défense des droits des propriétaires (considérés comme la partie la plus faible dans la mesure où ils perdent la possession du bien), ce qui a donné lieu à de nombreuses plaintes de la part des associations de consommateurs eu égard aux abus de certains propriétaires, en particulier lorsque ces derniers invoquent des dommages au niveau du logement pour ne pas rembourser la caution ou en réduire le montant au moment de la résiliation du contrat.
Source : El Pais