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Airbnb, quel impact sur l’offre de logements abordables ?

Evénement
Virginie TOUSSAIN
Virginie TOUSSAIN Publié le 01 décembre 2020 à 12:39

01 décembre 2020

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Le 18 novembre dernier, le groupe des verts du Parlement européen a co organisé avec la FEANTSA la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri et Housing Europe, notre fédération européenne du logement social, un séminaire sur l’impact du phénomène des plateformes digitales et de Airbnb sur le logement abordable.
Airbnb, quel impact sur l’offre de logements abordables ?

L’Union sociale pour l’habitat y est intervenue afin d’apporter une analyse juridique des règlementation locales, nationales et européennes relative à la location de courte durée qui constituent les instruments principaux de la régulation de ce phénomène qui pèse sur l’offre de logement abordables dans de nombreuses métropoles européennes.

La loi française est claire sur l’interdiction de mise en location de courte durée d’un logement social, la présentation de l’USH à cette manifestation a été l’occasion de la rappeler en plus de la présentation des limitations locales ou nationales qui co existent aujourd’hui en Europe et qui sont constituée principalement par : des systèmes de déclaration ou d’autorisation d’activité, de limitation de durée avec un nombre de nuitées maximal, de zonage d’interdiction d’activité, de site web de déclaration de pratiques abusives, de la mise en place d’équipe de contrôle de la règlementation et d’obligation de retrait d’annonces illégales par les plateformes.

La règlementation européenne s’articule autour de la directive CE 2000/31 commerce électronique, qui doit être très prochainement révisée afin de s’adapter aux évolutions du secteur digital, qui régule la plateforme elle-même, et la directive CE 2006/123 services, qui régule les activités de services et donc notamment celles de location à court terme.

La Cour de Justice a eu l’occasion lors de différents contentieux de préciser en matière de location de courte durée que les limitations à l’activité de Airbnb devait répondre strictement aux exceptions contenues dans la directive commerce électronique dans la mesure où cette plateforme n’était pas gestionnaire des logements mis en location par son intermédiaire et ne constituait ainsi uniquement qu’un service digital (arrêt C-390/18) mais que l’activité de location à courte durée pouvait être elle limitée par des régulations relavant de la directive services dès lors qu’elles sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général comme « la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée, avec pour objectif de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers », arrêt C724/18

 

Arrêt C-724/18 CJUE

Le juge européen ouvre la voie à une régulation d’Airbnb : la pénurie de logements justifie des restrictions à la location de courte de durée

 

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 septembre 2020, un arrêt où elle confirme que la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général (RIIG) permettant de justifier une mesure qui restreindrait la libre prestation de services.

 

Alors que les activités de location de courte durée pèsent de plus en plus sur le marché locatif des grandes métropoles, la justice européenne reconnaît enfin la possibilité pour les autorités nationales d’adopter des mesures de régulation pour leur territoire.

 

L’affaire au principal concernait deux propriétaires fonciers ayant été condamnés à une amende pour avoir loué à Paris des studios pour de courtes durées sans avoir obtenu l’autorisation requise par la Loi française pour tout changement d’usage de locaux d’habitation. La Cour de cassation s’interrogeait donc sur l’application de la directive “services” 2006/123 et plus particulièrement des dispositions relatives aux régimes d’autorisation.

 

Pour rappel, la location de courte durée est un service, et jouit en tant que tel des dispositions sur la liberté de circulation correspondante. La libre circulation des services constitue l’une des quatres libertés fondamentales garanties par les Traités, et ne peut être restreinte, selon une jurisprudence constante de la Cour, que sur la base de “raisons impérieuses d’intérêt général” (RIIG). Plus particulièrement, la directive “services” prévoit qu’un régime d’autorisation doivent être justifié par de telles raisons, proportionné à l’objectif poursuivi et non-discriminatoire.

 

Cet arrêt revêt ainsi une importance certaine pour les États membres et pour les métropoles européennes, qui s’inquiètent de l’impact de telles activités sur le marché du logement de longue durée, et pour qui le pouvoir de les réguler est essentiel.

 

Si la justice européenne s’était déjà prononcée en 2019 sur les mesures nationales régulant l’activité de plateformes telles qu’Airbnb, c’est l’activité des loueurs eux-mêmes qui est cette fois objet de la réglementation en cause. Après avoir retenu l’applicabilité de la directive services, la Cour va en effet se pencher sur la question de savoir si le régime d’autorisation adopté par la France peut être justifié par un intérêt légitime.

 

A ce titre, il est rappelé qu’un régime d’autorisation doit tout d’abord être conforme aux exigences figurant à l’article 9 de la directive, ce qui implique qu’il soit, notamment, justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général et proportionnel à l’objectif poursuivi.

 

La Cour de justice se range ainsi à l’opinion de l’avocat général Bobek et estime que, dans la mesure où le logement est un bien de première nécessité et le droit à un logement décent constitue un objectif protégé par la Constitution française, la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général à même de justifier un dispositif ayant pour effet de restreindre la libre prestation d’un service.

 

Quant à la proportionnalité de la réglementation française, la Cour relève que l’objectif poursuivi ne saurait être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un dispositif “purement déclaratif” de contrôle et de sanction à posteriori “ ne permettrait pas de freiner immédiatement et efficacement la poursuite du mouvement de transformation rapide qui crée cette pénurie ”.

 

Cette observation a son importance, car l’expérience montre que si les dispositifs de sanctions semblent avoir le plus d’effet de réduction de l’activité existante de location de courte durée dans les métropoles européennes, ceux-ci sont toutefois loin de contrer le phénomène des prestations de services abusives dans son intégralité.

 

Enfin, un régime d’autorisation doit établir des critères encadrant l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes, pour que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. L’article 10 de la directive “services” prévoit que de tels critères soient justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnels aux objectifs en découlant, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance, transparents et accessibles.

 

La Cour estime à ce titre qu’il appartient en principe au juge national de veiller à ce que la réglementation respecte ces conditions, mais reconnaît que le dispositif de compensation instauré par la loi française semble “ apte à garantir l’adéquation du régime d’autorisation qu’elle institue aux circonstances spécifiques de chacune des communes concernées, dont les autorités locales ont une connaissance privilégiée ».

Les précisions qu’apporte cet arrêt constituent autant d’éléments permettant de consolider les mesures de réglementation des autorités locales en établissant un cadre plus clair pour le contrôle du juge national.

 

Si les logements du parc de logement social restent interdits à la location de courte durée, la portée de cette décision revêt son importance au regard de la tension sur les marchés locatifs.

 

En qualifiant la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée de RIIG, cet arrêt ouvre d’ailleurs la voie à l’adoption de mesures régulant à la fois les activités d’Airbnb et celles des loueurs. Rappelons en effet que la Cour avait déjà suggéré en 2019 9 la possibilité de justifier une réglementation restrictive d’un service de la société de l’information (comme ceux offerts par Airbnb) par une raison impérieuse d’intérêt général, sans en préciser la nature. C’est désormais chose faite, et cette nouvelle RIIG pourrait potentiellement servir de justification à une future réglementation des activités des plateformes.

 

Cet arrêt ouvre une voie à une régulation et à une réduction des tensions sur les marchés locatifs en permettant un encadrement de la « location Airbnb ».

 

Pour en savoir plus :

>Evènement parlement européen Affordable Housing: AirBnB and the Digital Services Act - YouTube

 

> rapport de la FEANTSA et de la Fondation Abbé Pierre La ville est a nous ! Comment encadrer Airbnb face à la pénurie de logement (feantsa.org)’Union sociale pour l’habitat y est intervenue afin d’apporter une analyse juridique des règlementation locales, nationales et européennes relative à la location de courte durée qui constituent les instruments principaux de la régulation de ce phénomène qui pèse sur l’offre de logement abordables dans de nombreuses métropoles européennes.

 

 

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