Comment financer les infrastructures sociales dans l'UE? Logement social compris.

Portrait de Laurent GHEKIERE

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Le rapport plaide pour une approche de la convergence ascendante basée sur les régions (comme les politiques de cohésion) plutôt que seulement au niveau du gouvernement central. Cette approche sera importante pour permettre que davantage de ressources soient affectées de manière efficace là où elles sont le plus nécessaires.

Les infrastructures sociales jouent un rôle primordial dans la progression vers la convergence ascendante. Le présent rapport suggère un certain nombre de moyens de combler l’énorme déficit d’investissement dans les infrastructures sociales en Europe et recommande des modes innovants de financement des infrastructures sociales en Europe.

Le présent rapport propose que la plus grande attention soit apportée aux actions suivantes :

-        passer d’un scénario de sous-investissement à un cadre d’investissement à habilitation intelligente avec suivi continu des progrès réalisés au niveau national ;

-        promouvoir le financement des infrastructures sociales en concentrant les efforts sur les régions qui en ont le plus besoin ;

-        instaurer un environnement stable et plus propice à l’investissement ;

-        alimenter et dynamiser le pipeline de projets viables pour les infrastructures sociales ;

-        renforcer le rôle des banques et institutions nationales et régionales de promotion (NPBI) européennes lorsqu’elles coopèrent avec les pouvoirs publics et les organes européens.

Des conditions favorables sont identifiées dans toute une série de domaines :

-      L’assainissement budgétaire, tout en restant dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), ne devrait pas peser trop lourd sur les ressources des autorités infranationales destinées à l’investissement social dans les infrastructures, étant donné qu’elles représentent les deux tiers de l’investissement total moyen des gouvernements dans l’UE ;

-      Préparer soigneusement les conditions préalables et résolutoires adoptées pour l’utilisation des fonds de cohésion et la combinaison des ressources financières au-delà de 2020 de manière à éviter de faire payer les régions sans raison pour l’assainissement budgétaire des États membres au niveau central ;

-      Promouvoir des systèmes d’imposition et de subvention favorables qui encouragent l’investissement social ;

-      Promouvoir une labellisation et une certification qui permettraient la reprise d’investissements sociaux ;

-      Promouvoir le développement de nouveaux instruments financiers dédiés en particulier aux infrastructures sociales (tels que les obligations à impact social) ;

-      Promouvoir le développement d’un vaste système d’assistance technique (Autriche) aux niveaux local, national et européen.

PROPOSITIONS SPÉCIFIQUES : VERS UNE STRATÉGIE À LONG TERME POUR DYNAMISER L’INVESTISSEMENT DANS LES INFRASTRUCTURES SOCIALES & LEUR FINANCEMENT DANS L’UE

Le rapport propose une feuille de route qui, si elle était mise en œuvre, contribuerait à rendre l’Europe plus responsable socialement tout en améliorant dans le même temps sa résilience et la cohésion sociale.

Cette feuille de route décrit ce qui, dans l’idéal, devrait être fait pour préparer un nouvel agenda européen pour les infrastructures (ci-après, l’« agenda ») et un nouveau fonds public-privé pour l’investissement social (ci-après le « fonds »). Dans le même temps, elle met en lumière des objectifs spécifiques qui pourraient être réalisés rapidement, c’est-à-dire au cours des deux prochaines années.

Si ces objectifs sont réalisés rapidement, cela aidera à établir une stratégie à long terme pour dynamiser l’investissement dans les infrastructures sociales et leur financement dans l’UE.

 

La feuille de route définit également le processus de mise en œuvre du futur Agenda et du Fonds. Il se compose des phases suivantes :

Phase inaugurale (années 0 à 1) : appel à la création d’une fenêtre d’opportunité politique spécifique pour l’investissement social (y compris l’investissement dans les infrastructures sociales) et politique de cohésion plus étroitement ciblée sur une combinaison appropriée des ressources financières ;

Phase initiale (années 0 à 2) : créer des plateformes d’investissement thématiques et géographiques afin de regrouper les projets (regroupement approprié) ; renforcer la capacité des organisations prestataires de services et améliorer les services d’assistance technique ;

Phase de mise en œuvre progressive (années 2 à 4) : pendant que les plateformes d’investissement continueront de financer les projets d’infrastructures sociales, l’agenda sera développé et établi. Dès lors que le fonctionnement des plateformes d’investissement pilotes aura fait l’objet d’une évaluation complète, l’accord final concernant la création du fonds pourra être donné. La structure de gouvernance du fonds sera ensuite finalisée. À la fin de cette phase de mise en œuvre progressive, les administrateurs du nouveau fonds évalueront les plateformes d’investissement afin de savoir lesquelles peuvent être fusionnées avec le Fonds.

Phase complètement opérationnelle (années 4 à n) : un modèle complètement nouveau dans l’UE – le fonds deviendra un instrument primordial du financement des infrastructures sociales.

La feuille de route devrait par conséquent comporter les objectifs suivants :

Court terme – phase inaugurale & initiale (2018-2020)

1.     En ce qui concerne le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), nous notons que la Commission envisage un seul programme d’investissement. Dans ce contexte, nous conseillons vivement la création d’une fenêtre d’opportunité politique spécifique pour l’investissement social, et notamment l’investissement dans les infrastructures sociales. De plus, la politique de cohésion devrait cibler davantage les investissements sociaux et les infrastructures sociales et permettre une meilleure combinaison des ressources financières.

2.     Au cours du semestre européen annuel, envisager d’évaluer l’investissement États membres dans les infrastructures sociales et formuler des recommandations pays par pays dans ce domaine.

3.     Piloter la création de plateformes d’investissement thématiques et/ou géographiques pour regrouper les projets et stimuler les initiatives pour l’investissement dans le secteur social. Le regroupement de projets sur une plateforme d’investissement thématique et/ou géographique peut accroître le recours à des programmes de marchés publics stratégiques, avec à la clé des synergies de coûts grâce à une coopération efficace avec d’éventuelles centrales d’achat[1].

4.     Renforcer les capacités des organisations prestataires de services et des collectivités locales et renforcer le rôle stratégique de l’assistance technique de la Plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) grâce à la création d’un réseau solide avec les banques et institutions nationales et régionales de promotion (NPBI) européennes et d’autres agences nationales ou régionales.

5.     Compte tenu de leurs caractéristiques, les biens d’infrastructure sociale sont particulièrement bien adaptés à la combinaison des ressources. Par conséquent, les plateformes devraient fonctionner avec une combinaison de subventions, de garanties et d’instruments financiers pour attirer les capitaux privés et la participation dans le secteur.

6.     Promouvoir l’émission d’obligations à impact social par les participants concernés.

7.     Tirer les enseignements des programmes qui portent leurs fruits et poursuivre le développement des programmes à impact social.

8.     Stimuler la collecte de données pour l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe ;

9.     Développer des paramètres standard pour l’investissement à impact.

Moyen terme - phase de mise en œuvre progressive (2020-2022)

1.     Les plateformes d’investissement continuent de financer des projets d’infrastructures sociales dans le cadre du nouveau programme ;

2.     Préparer un agenda éventuel pour les infrastructures sociales ;

3.     Évaluer de façon complète le fonctionnement des plateformes d’investissement pilotes avec évaluation du portefeuille de projets correspondants ;

4.     D’après cette évaluation, la création d’un fonds public-privé dédié à l’investissement social peut être explorée en ouvrant la structure de capitaux propres aux investisseurs de long terme.

Long terme – phase complètement opérationnelle (> 2022)

1.     Le fonds devient l’un des principaux instruments européens pour le financement de l’investissement social et des infrastructures sociales.

2.     Un tout nouveau modèle de financement des infrastructures sociales européennes devient complètement opérationnel.

Un Agenda européen pour les infrastructures sociales

Le rapport propose la création d’un agenda européen pour les infrastructures sociales (l’« agenda ») auquel seraient associés des objectifs sur le long terme conçus pour promouvoir une plus grande convergence au sein de l’UE. Si cet agenda devait suivre les modèles adoptés pour l’agenda numérique européen et pour le Cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030, il pourrait contribuer à amorcer une évolution vers l’investissement intelligent dans les infrastructures sociales pour l’éducation et la formation. Il devrait être accompagné d’objectifs ambitieux à atteindre d’ici à 2030 et établir une feuille de route pour le court, le moyen et le long termes.

La HLTF met en avant un certain nombre de propositions qui ont été formulées à partir de données déjà disponibles au niveau européen. Elle propose d’utiliser les indicateurs en matière de santé et d’éducation des jeunes suggérées dans le tableau de bord du pilier social.

Pourtant, les infrastructures sociales ne sont en général incluses dans aucun des ensembles de données disponibles actuellement. Nous suggérons par conséquent que l’une des premières tâches consiste à identifier une série de projets à mettre en œuvre (pipeline adapté). La Commission développe actuellement, avec un certain nombre d’établissements universitaires et de groupes de réflexion, un cadre de contrôle pour le logement abordable et le logement économe en énergie. Nous suggérons que ce cadre soit utilisé aux mêmes fins.

Exemples d’objectifs et données à l’appui :

1.     D’ici à 2030, 90 % des citoyens de l’UE devront avoir accès à des services spécifiques (qualité et quantité à définir) dans chacun des secteurs importants (éducation, santé et soins de longue durée, et logement abordable).

2.     D’ici à 2030, 90 % des citoyens de l’UE devront avoir accès à des soins de santé abordables, que ce soit à proximité de leur domicile ou à distance (« télésanté »).

La proportion de la population qui déclare ne pas être en mesure de subvenir à ses besoins médicaux a augmenté après la crise pour des raisons financières. En moyenne, dans les pays de l’UE, la proportion de gens des groupes à faibles revenus qui disent négliger de se soigner pour des raisons financières ou géographiques, ou en raison de délais d’attente trop longs, est quatre fois supérieure à celle des groupes à revenus élevés (6,4 % contre 1,5 %). La principale raison invoquée par les gens des groupes à faibles revenus qui disent négliger de se soigner réside dans le prix des soins, jugé trop élevé. Une augmentation des besoins en soins non satisfaits, en particulier parmi les personnes à faibles revenus, pourrait aggraver l’état de santé du groupe concerné et creuser les inégalités en matière de santé. En 2015, la proportion de la population disant ne pas pouvoir subvenir à ses besoins médicaux variait de 0,1 % seulement en Autriche et aux Pays-Bas à plus de 10 % en Grèce et en Estonie[2].

3.  D’ici 2030, la proportion de jeunes (jusqu’à 25 ans) à l’école ou en formation devrait être plus élevée.

La catégorie des « NEET » (Not in Education, Employment or Training) correspond à la part de la population âgée de 15 à 24 qui n’a pas d’emploi et qui n’est ni étudiante ni en formation.

La proportion de NEET est passée de 13,2 % en 2012 à 12,2 % en 2015. Il subsiste des différences considérables entre les pays de l’UE, le taux de NEET oscillant en 2015 de 4,7 aux Pays-Bas à 21,4 en Italie.

Les jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation sont des jeunes âgés de 18 à 24 ans n’ayant pas dépassé l’enseignement secondaire et ne poursuivant ni études ni formation complémentaires. Les chiffres sont exprimés en pourcentage de la population européenne totale âgée de 18 à 24 ans.

Dans l’UE, la proportion de jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation est en régression constante depuis 2005. Malgré des améliorations dans certains pays du sud de l’UE, des disparités subsistent d’un pays à l’autre, avec des chiffres qui varient de 2,8 % en Croatie à 19,4 % en Espagne(2016)[3].

Fonds  public-privé pour l’investissement social

Dans le cadre de la stratégie à long terme pour dynamiser les investissements dans les infrastructures sociales et leur financement dans l’UE, le rapport propose la création, à moyen et long termes, d’un tout nouvel instrument financier novateur pour le financement des infrastructures sociales : un nouveau fonds public-privé pour l’investissement social (ci-après le « fonds »).

De par leur nature, les biens d’infrastructure sociale sont particulièrement bien adaptés à la « combinaison des ressources ». Cela suggère que le fonds devrait combiner subventions[4], garanties et instruments financiers pour attirer les capitaux privés dans le secteur.

En créant un nouveau cadre pour les instruments financiers destinés à l’investissement dans les infrastructures sociales, le nouveau fonds devrait donner la possibilité d’actualiser ou d’adapter différents instruments afin de répondre à l’évolution des conditions du marché, des besoins et de la structure des marchés locaux. Sa structure de financement devrait être développée plus avant et orientée vers les meilleures pratiques.

Dans le cadre d’une fenêtre d’opportunité politique sur l’investissement social, le fonds devrait (i) rassembler les ressources appropriées grâce aux instruments de l’UE (combinaison de subventions, de garanties, etc.) afin d’améliorer l’engagement financier des banques régionales de promotion européennes, des NPBI européennes et de la BEI en atténuant leurs risques ; et (ii) les redistribuer et les affecter de manière efficace aux pays et/ou macro-régions qui ont le plus besoin d’investissement dans les infrastructures sociales pour converger vers l’UE et là où il y a le plus à faire pour stimuler leur force économique et financière sous-jacente.

Enfin, le fonds devrait être autorisé à émettre des euro-obligations à impact social ; ces dernières répondraient parfaitement aux besoins d’investissement des investisseurs institutionnels de long terme, et elles pourraient ensuite se négocier sur le marché des capitaux (Union des marchés des capitaux).

 

 

[1] Commission européenne (2017), Communication from the Commission to the Institutions : Making Public Procurement work in and for Europe, 3 octobre 2017.

[2] Source : Tableau de bord social, 2017, Commission.

[3] Source : Tableau de bord social, 2017, Commission.

[4] ERDF et peut-être l’ESF devraient prendre en compte les services associés aux infrastructures sociales.

 

Rapport disponible sur le site de la Commission

Congrès Hlm